Une série lentement construite, pour un anniversaire inutile…
J’ai reçu une première série il y a quelques semaines, envoyée par une lectrice qui avait lu quelque part un reportage sur les villes fantômes à travers le monde. J’ai exploré le web, et découvert qu’il existait tellement de lieux abandonnés à travers le monde (ce site en recense une centaine…) que j’en ai eu le vertige.
Je dois vous avouer qu’il m’arrive souvent de regarder le monde qui m’entoure en imaginant sa disparition et en contemplant notre inconscience de cette fragilité.
Bref.
En cette veille de l’anniversaire du début de la catastrophe de Tchernobyl et alors que la zone d’exclusion autour de la centrale de Fukushima s’élargit chaque semaine un peu plus, je ne vous ai retenu “que” 13 villes abandonnées. C’est un chiffre porte-bonheur !
- Fleury-devant-Douaumont (France) est l’un des 6 villages “morts pour la France” dévastés par la bataille de Verdun en 1916 et jamais reconstruits.
- Bodie (Etats-Unis) est l’une des villes fantômes nées de la ruée vers l’or puis mortes de l’épuisement des gisements. Elle fut totalement désertée à la fin des années 1930.
- Belchite (Espagne) fut le théâtre d’une bataille de la Guerre d’Espagne, en 1937, qui la laissèrent en ruines. Franco ordonna que la ville ne soit pas reconstruite, restant ainsi comme un monument “vivant” de la guerre.
- Oradour-sur-Glane (France) fut prise en otage le 10 juin 1944, quelques jours après le débarquement allié, par les soldats allemands accompagnés des waffen SS qui exécutèrent les 642 habitants du village.
- Kolmannskuppe (Namibie) a été lentement et spectaculairement engloutie par le sable, après l’arrêt de la mine de diamants qu’elle abritait et son abandon définitif en 1956. J’ai reçu cette semaine une autre série concernant cette ville fort photogénique (déjà citée dans ces pages).
- Craco (Italie) construite au XIe siècle a dû être définitivement évacuée en 1963, devant les menaces de glissement de terrain.
- Sewell (Chili) a compté jusqu’à 15.000 habitants au moment de l’apogée de l’exploitation de sa mine de cuivre entre 1930 et 1960. En 1971, avec l’épuisement du gisement, la ville a été abandonnée.
- Gunkanjima ou Hashima Island (Japon) est une île située à 19 km des côtes de Nagasaki, mais son état n’a rien à voir avec le début de l’ère atomique et “la fin accepté de l’humanité” (Théodore Monod). C’est, là aussi, l’épuisement des gisements (de charbon) qui provoqua la fermeture de l’usine et la désertion des 5000 personnes qui vécurent ici.
- Varosha (Chypre) fut une fière station balnéaire, jusqu’à son évacuation suite à l’attaque de la ville par l’armée turque le 15 août 1974.
- La Villa Lago Epecuen (Argentine) construite au bord du lac Epecuen a été submergée le 10 novembre 1985, suite à la rupture d’un mur de soutènement, obligeant ses habitants à fuir.
- Prypiat (Ukraine) a eu la mauvaise idée d’être construite à 3 km de la centrale de Tchernobyl. Il fallut attendre plus de 24 heures après l’explosion du réacteur n°4 pour que ses 49.360 soient évacués par les autorités soviétiques.
- Agdam (Azerbaïdjan) a été désertée de ses 160.000 habitants, pillée, saccagée et rayée de la carte en juillet 1993, lors d’un conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
- Minamisōma (Japon) se trouve aujourd’hui dans la zone d’exclusion élargie…
5 guerres, 4 épuisements de ressources, 2 catastrophes nucléaires, 1 catastrophe naturelle plus 1 pas complètement naturelle…
Nous sommes finalement assez doués pour nous détruire sans aide extérieure.
Merci d’être là et bon dimanche, avec toutes mes excuses pour cette sombre série de Pâques que je vous souhaite cependant fort joyeuses !
“La catastrophe de Tchernobyl n’a pas eu lieu il y a 25 ans : la catastrophe de Tchernobyl dure depuis 25 ans”, écrit fort justement Philippe Caza sur son blog.
Pour compléter cette joyeuse série, je vous ai trouvé un dessin animé furieusement d’actualité, réalisé par 5 étudiants de Supinfocom Valenciennes, école de réalisation numérique, Matthieu Bernadat, Nils Boussuge, Florence Ciuccoli, Clément Deltour et Marion Petegnief, qui s’appelle simplement Tchernokids, mais qui n’est pas forcément à conseiller aux enfants.
Oups, heureusement qu’il nous reste le chocolat…!!
Heu…pouce, ne me racontez-pas d’où il vient et comment…et tout ça…je sais, je sais !!
Je crois aussi que c’est Albert Jacquard (mais je ne suis pas sûre)qui a dit : « l’important ce n’est pas de savoir si on va dans le mur à 200 KM/h ou à 300km/h »….ou quelque chose d’approchant !!
Moi aussi je vous les souhaite bien bonnes, vos Pâques…
Du premier lieu au second et jusqu’au dernier, là tout n’est que ruines, désert et silence, mais j’ai ma petite préférence….
Sourires à ciel ouvert aujourd’hui et comme la chasse a été bonne 1 lapin xxxxxl
Qu’est ce que ça doit faire mal tous ces yeux… de Paques ?
Oui en effet un vrai kaléidoscope qui donne le tournis!
Oui, oui, très étrange et très bien fait la vidéo de Chernokids… Je suggère aux lecteurs assidus et déférents de ABCDetc. de se cotiser pour offrir des lunettes à ce pauvre Kaléidoscope. J’ai vu qu’il souffrait d’un léger strabisme à l’oeil n° 14 et d’une myopie sèvère à celui juste en dessous à gauche.
Un ophtalmologue averti – qui en vaut seulement deux normalement, mais bien plus à Tchernobyl….
Attention, les yeux des lecteurs assidus de ce blog sont un sujet sensible !
Parfaitement !
Prochaine image de ville abandonnée : Gaza ?
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Les enfants retournent à la centrale, c’est vrai qu’elle a un cœur et… une piscine. Dur, dur quand même.
La carte des mesures de radiations du Japon :
http://japan.failedrobot.com/
La caméra des sites de Fukushima (Attention au décalage horaire) :
http://www.tepco.co.jp/nu/f1-np/camera/
Images des réacteurs par un drone :
http://www.houseoffoust.com/fukushima/April20.html
Étranges phénomènes dans la ville de Makuhari :
http://www.dailymotion.com/video/xi9la0_la-ville-de-makuhari-au-japon-disparait-sous-l-eau-liquefaction-terre-nature-etrange-pouvoir-devenir_webcam
Aux dernières nouvellles, gaza résiste encore, mais pour combien de temps, dans un contexte favorable à la recrudescence de la paranoïa d’Israël ?
Merci pour ces compléments d’infos, qui ne sont pas vraiment du genre rassurant.
Dans le genre “optimiste”, j’ai justement reçu hier un texte signé Fred Vargas (archéologue et écrivain) que j’avais déjà eu il y a quelques temps. Plutôt que de vous le faire suivre à tous, je le copie-colle ici :
Nous y voilà, nous y sommes.
Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal..
Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance, nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine. Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.
On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu. Franchement on s’est marrés.
Franchement on a bien profité.
Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.
Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.
Qui a ceci de très différent des deux premières ( la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.
« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.
Oui.
On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies. La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau. Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).
Sauvez-moi ou crevez avec moi
Évidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux. D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.
Peine perdue.
Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.
Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, – attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).
S’efforcer.
Réfléchir, même.
Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.
Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d’échappatoire, allons-y.
Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible.
A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.
Serons nous des troisièmes révolutionnaires ?
Ca n’en prend pas le chemin.
Non, tu trouves ? Comme je le disais, ce texte date de quelques mois, mais je n’ai pas senti la prise de conscience générale !