Absolument vivant
Complètement triste

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Slide 1

La vie est ponctuée de deuils successifs, avec en point final celui que l’on fera de nous. Un peu en notre absence, déjà…

Avant l’oubli.

Aujourd’hui est un jour particulier, un jour rituel. De deuil. Pour ne pas oublier. Pour allumer un peu de la flamme d’un souvenir qui s’estompe au fil des ans, dont les détails s’effacent, dont les couleurs fanent. Mais dont cette journée particulière suffit à tracer encore les contours.

Ne me demandez pas pourquoi. Je répondrais de manière fort peu originale que c’est « parce que c’était lui », parce que « jamais, au grand jamais, son trou dans l’eau ne s’est refermé, parce que…  même s’il n’y a pas de bon Dieu pour rigoler, « maintenant [que] je vais pleurer ».

Et peut être aussi, que pour pallier un Dieu dont l’absence nous prive de l’éternité promise, je continue de croire que l’autre « vivra tant qu’on l’aimera » et qu’on peut inventer une suite à ce qui est terminé.

Bref.

Pendant que je m’en vais parcourir les rues de Paris jusqu’au passage du Génie, j’aurais pu laisser une page blanche en vous invitant à lire (une fois encore ?) ma lettre personnelle « à un ami perdu ».

Et puis, comme j’étais dans une période de billets apparemment sans rapports avec l’image qui les illustre, mais pas vraiment, j’ai repensé à cette image découverte lundi, d’une femme japonaise dans le parc Hitachi Seaside, au nord de Tokyo, qui traverse sous son ombrelle rouge un champ tout aussi rouge de Kochia scoparia. Kochie à balai ou faux cyprès dans notre langue soudain si pauvre, mais que les anglophones appellent fireweed (herbe de feu).

En voyant cette herbe rouge, j’ai bien sûr pensé à Boris Vian puis j’ai oublié un moment l’image que j’avais mise de côté pour un plus tard hypothétique. Ce n’est qu’en recherchant l’origine de la citation qui conclut ce billet que j’ai retrouvé qu’elle était extraite de … L’Herbe rouge.

« Un mort, c’est bien. C’est complet. Ça n’a pas de mémoire. C’est terminé. On n’est pas complet quand on n’est pas mort. »

(Photo : Thomas Peter/Reuters)

La vie est parfois bien faite avec son cortège de coïncidences auxquelles nous ne prêtons pas toujours attention.

Alors que j’esquissais les premiers mots maladroits de ce billet de parenthèse, la radio diffusait un air qui me rappelait quelque chose. Il s’agissait de Angkor Wat, le thème final d’In the Mood For Love de Wong Kar-Wai. Avec Tony Leung qui livre son secret aux ruines du célèbre temple cambodgien.

Je ne sais quel anfractuosité de mur accueillera aujourd’hui ma peine. Et ma joie de la vie qui me donne de pouvoir encore la dire…