Un mercredi de mi-juin qu’on croirait de novembre…
Dernier jour de la pause récupératrice de quelques jours au travail qui me paye. J’ai bien envie de faire une pause ici aussi. Et je traîne tranquillement au petit déjeuner, en écoutant la radio d’une oreille et en regardant les images du monde de l’autre œil. En me disant silencieusement, pour ne pas paraître trop fou en parlant seul à haute voix, que j’ai envie d’une photo paisible, et qu’une image de sieste serait idéale pour évoquer mon envie de flâner. Tranquille.
Alors, comme si les fées écoutaient ma voix silencieuse, apparaît l’image du jour, sur laquelle Giovani Martinez dort paisiblement dans son village de Caparrosa au Guatemala.
C’est la légende qui accompagne l’image qui m’a appris son nom et celui de son village. Le même légende qui précisait que le petit Giovani est “trop fatigué pour jouer”.
Et l’article qui accompagne les autres photographies de Moises Castillo me rappelle que le Guatemala subit une nouvelle crise alimentaire, à cause de récoltes insuffisantes dues à une sécheresse endémique. Et que dans ce pays, où plus de 60% de la population (sur)vit avec moins de 3,50$ par jour (3,12€ au cours du jour), le gouvernement fait ce qu’il peut pour aider les parents qui font ce qu’ils peuvent pour nourrir leurs enfants. Qui ne peuvent plus jouer.
Alors ?
Je sais bien que je ne changerai rien à la situation du Guatemala, à cette catastrophe alimentaire née d’une catastrophe climatique. Et que l’on me dira qu’il ne sert à rien que je me prenne la tête, que je cours le risque de m’attrister pour rien et de me priver du bonheur. Et que je commence bien mal cette journée de paresse.
Mais, pas plus que je ne donnerai à manger à Giovanni, il ne m’empêchera d’aller jusqu’au supermarché du coin, aux rayons bien ravitaillés, pour faire mon propre ravitaillement. Et de manger avec appétit, de faire peut être une petite sieste, avant d’aller un peu profiter du ciel qui ne pleut plus aujourd’hui, de pousser ma balade jusqu’au cinéma, rêver peut être, et de passer une soirée paisible, en préparant un nouveau billet pour demain et en répondant à quelques mails en souffrance. Et même de regarder le match France-Albanie en direct de Marseille. Si, si ! Et si j’ai du mal à m’endormir ce soir, ce ne sera pas à cause du petit Giovanni mais de mes problèmes d’homme, c’est à dire de mélancolie, comme le chantait Léo Ferré…
Alors ?
Alors. Oui, je pourrais me taire, ignorer, détourner le regard. Mais en écrivant quelques mots, quelques lignes maladroites, je fais juste ma part en témoignant de ma conscience d’homme. Qui me donnera peut être, je l’espère, au fil de cette journée ordinaire de flânerie, la force de donner, à ma mesure, le peu que je peux.
En pensant au petit Giovanni, aux belles femmes et au parfum des fleurs, aux autres enfants du Guatemala, à d’autres images du monde dans sa terrible et merveilleuse diversité, aux lycéens qui philosophent aujourd’hui, à quelques mots, de Prévert, de moi même ou de Théodore Monod lorsqu’il disait : “Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur
(Photo : Moises Castillo)
Je ne vais pas une nouvelle fois dénoncer mes confrères de la presse sérieuse qui oublient de parler du Guatemala. Mais en cherchant dans les diverses actualités, j’ai trouvé l’annonce d’un concert (passé) de Marie Cantagrill au bénéfice des enfants du Guatemala, avec notamment au programme Méditation, souvenir d’un lieu cher, de Tchaïkovski.
Je n’ai pas retrouvé ce morceau, mais je vous propose une autre Méditation (de Thaïs et de Massenet) par la même interprète.