“C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière.”
Cette citation d’Edmond Rostand fait partie de mon petit recueil personnel. Et elle m’est revenue, naturellement, en parcourant l’exposition proposée actuellement par le musée du Jeu de Paume, Se souvenir de la lumière, qui présente une sélection d’œuvres des artistes libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige que vous pouvez aller voir jusqu’au 25 septembre.
J’allais dire, aller voir les yeux fermés, pour vous dire combien j’ai aimé parcourir et découvrir les œuvres de ces deux photographes, cinéastes, artistes, mais je vous recommande de les ouvrir aussi grand que vos oreilles pour apprécier leurs travaux. Des images ratées de décollages réussis par la Lebanese Rocket Society, aux photos de Beyrouth en multiples effacement, des photographies non développées à l’étrange, drôle et fascinante mise en scène de “scams” (ces mails qui vous proposent de récupérer des millions de dollars bloqués à l’autre bout du monde…), ces deux-là réconcilient avec la contemporanéité d’un art qui peut aussi ne pas être pédant, vain ou inutile.
Avec une mention spéciale à Khiam, un saisissant diptyque de deux vidéos, faites de témoignages d’ancien détenus de cette prison israélienne (sous commandement libanais pour ne pas se salir les mains…) entre 1985 et 2000. Transformée en prison puis en mémorial, la prison a été définitivement détruite en 2006 par l’aviation… israélienne. La mémoire aujourd’hui, ce sont ces survivants, si calmes et impressionnants de force, qui témoignent de ce qu’ils ont vécu.
Des souvenirs sombres à mettre en lumière.
Pour aujourd’hui, je n’ai retenu qu’une (double) image, du film qui donne son nom à l’exposition, dans lequel un foulard multicolore glisse lentement vers le fond de la mer, perdant peu à peu ses couleurs à mesure qu’il s’éloigne de la surface et du soleil. Et de sa lumière.
Comme un symbole.
D’un monde parfois si sombre et qui sombre, mais qui demeure multicolore et chatoyant. D’humains, parfois noyés, perdus, éperdus, mais qui peuvent encore espérer retrouver le jour. Du toujours possible beau, lumineux, éclatant de lumière, au cœur des ténèbres.
Avec le souvenir et la mémoire pour complice et comme arme.
(photos : Joana Hadjithomas et Khalil Joreige)
Les souvenirs et la mémoire, c’est aussi ondoyant que la mer et aussi versatile que les couleurs… C’est ainsi qu’à partir du titre anglais de l’exposition de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Remember the Light), j’ai d’abord pensé à Remember the Night de Carolyn Mas, dont personne ne se souvient (sauf le site de la chanteuse) puis, par glissement nostalgique (et à cause d’une bien belle reprise), à Steve Forbert, dont le vendeur de Gibert m’avait dit que je lui ressemblais quand j’achetais son premier disque…
Il y a une éternité. Plus de 30 ans…
Après avoir commencé ce billet avec une citation extraite de mon anthologie personnelle, je le clos en vous proposant deux versions d’une chanson de ma compilation ultime : You cannot win if you do not play… La première date de juin 1979, la seconde de novembre 2013.
Moi aussi j’ai changé durant ces 34 années. Mais je continue à jouer. On ne sait jamais : je pourrais bien gagner !