Le diable “probablement”

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Charles : Ce qui est magnifique c’est que pour rassurer les gens il suffit de nier l’évidence.
Michel : Quelle évidence ? On est en plein surnaturel, rien n’est visible. Les gouvernements ont la vue courte.
Passager n°1 : N’accusez pas les gouvernements ! Dans le monde entier, à l’heure actuelle, personne ne peut se venter de gouverner. Ce sont les masses qui régissent les évènements ; des forces obscures dont il parfaitement impossible de connaître les lois.
Passagère n°2 : C’est vrai que quelque chose nous pousse contre ce que nous sommes.
Passager ° 3 : Il faut marcher, marcher.
Passager n°4 : En marchant, je peux être celui qui rouspète toujours ? (phrase assez indistincte)
Passagère n°2 : Qui est-ce donc qui s’amuse à tourner l’humanité en dérision ? Oui, qui est-ce qui nous manœuvre en douce ?
Passager n°1 : Le diable probablement.

In Le Diable probablement, de Robert Bresson – 1977

D’accord, la citation du jour est un peu longue. Mais j’aimais bien le début et la fin de ce dialogue (que je remercie le ciné-club de Caen de me l’avoir rappelé). Même si l’injonction de marcher peut être mal interprétée par les temps confus qui courent… à notre perte ?

Bref.

Quarante ans après, j’ai repensé à Bresson en entendant puis en lisant les propos du commandant des forces de la coalition anti-EI à Bagdad, le général américain Stephen Townsend, qui a reconnu que la coalition avait “probablement joué un rôle” dans la mort de nombreux civils dans un bombardement aérien à Mossoul le 17 mars.

Et on a le droit de penser à Coluche quand on lit la suite de ses déclarations : “Si des innocents ont été tués, il s’agit d’un accident de guerre involontaire.”

Et pour ceux qui ne seraient pas encore complètement rassurés par les volontés guerrières, le général explique que “un général a été nommé” pour enquêter.

On saura peut être à la fin de l’enquête combien de civils ont perdu la vie dans “la bataille de Mossoul”, victimes “collatérales” d’un conflit où elles se sont trouvées bêtement au centre.

En attendant, les habitants continuent de fuir. Quand ils le peuvent.

Et dans le camp de “déplacés” de Hassan Sham, l’un des 23 camps qui accueillent plus de 200.000 personnes dans les environs de la ville, dont la reprise durera encore “probablement” des semaines, une enfant se balance. Paisiblement.

Et Dieu ! (ou Diable !), que cette image est apaisante. Malgré tout…

(Photo : Felipe Dana)

Et pour accompagner la fillette en même temps qu’une pensée pour toutes les personnes condamnées à l’exil de manière “involontaire”, je vous propose d’écouter Awa Ly et Faada Freddy qui chantent Here