“Un pays riche comme le nôtre où l’on a encore besoin d’une aide alimentaire, pour moi c’est une honte !”
Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde
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Monsieur le Président,
Je vous fait une lettre dont je sais pertinemment que vous ne la lirez pas. Mais j’avais besoin de vous dire mon indignation, ma colère et ma honte.
Ainsi, trois jours après l’annonce de votre plan pauvreté (pour “Faire plus pour ceux qui ont moins”) et moins d’une semaine après votre visite à ATD Quart Monde, vous n’avez toujours rien compris à la vie des gens les plus simples, les plus démunis, les plus pauvres.
Au moment où je vous écris, France-Culture diffuse le premier volet d’une série d’émissions sobrement intitulée “Être pauvre”. J’ose espérer qu’il y aura au mois l’un de vos conseillers pour vous proposer au moins un résumé et au mieux une réécoute de ces émissions pendant vos longues insomnies, pour peut être vous permettre mieux comprendre ce pays que vous présidez.
Où vivent neuf millions de personnes auxquelles il ne suffira pas de traverser la rue pour retrouver du travail et de la dignité.
Dans votre discours de jeudi, vous dénoncez le “discours insupportable sur l’assistanat”. On s’est vite aperçu, dès samedi, que vous pouviez vous aussi tenir des propos insupportables à destination de ces chômeurs qui ne cherchent pas de travail “raisonnable” comme on dit dans la novlangue dont vous participez à l’émergence.
Votre conseil à un jeune, formé en horticulture, de se réorienter vers l’hôtellerie-restauration ou le bâtiment, n’est malheureusement qu’une petite phrase de plus et sans doute pas la dernière dans la litanie de vos dérapages qui témoignent d’une sinistre ignorance de certaines réalités.
Mais qui ai la chance d’avoir un travail correctement rémunéré, qui me permet, outre de me loger et de manger correctement, de m’offrir quelques moments de loisir, de plaisir, d’oisiveté, je suis bien au -dessus du seuil de pauvreté mais tout aussi éloigné de votre train de vie.
Et je me sens plus proche de ceux que vous insultez ainsi, les rendant responsables de leur sort, que de vous et de vos amis de classe, qui se gardent bien de dénoncer un autre assistanat, celui de ceux qui ont trop : les entreprises qui licencient pour augmenter leurs profits en même temps que la productivité de ceux qui restent au travail, les propriétaires de logement qui vivent au crochet de leurs locataires et coûtent un pognon de dingue en allocations logements, les différents spéculateurs qui s’enrichissent encore sur la misère d’autres…
Tous ceux au profit desquels vous défendez votre “projet productif”, mais auxquels vous ne conseillez pas de traverser la rue pour changer leur regard, leur attitude et se confronter à la réalité quotidienne d’une partie trop importante de la population d’un pays riche comme le nôtre.
Votre arrogance de classe, qui soudain fait éclater votre rôle de composition et déborde salement de votre personnage si bien élevé, suffira-t-elle à ranimer une lutte des classes endormie, grâce à la prise de conscience que vous permettrez du mépris de vos semblables qui entretiennent l’exploitation que subissent les plus pauvres ?
J’en doute. Malheureusement…
Et cette sensation d’impuissance, dont je n’ose imaginer que vos analystes communicants ont aussi conscience, vous permettant de poursuivre impunément vos provocations quelque peu sarkoziennes, m’attriste autant qu’elle me met en colère.
Une colère qui s’ajoute à celle que provoquent vos récidives de mépris.
Et au fait que vous m’obligez, une fois de plus, à sortir de la ligne habituellement internationale de ce blougui.
Au moins, la photo du jour, malgré les apparences de ce coq traversant la route en regardant à gauche et à droite en même temps (grâce à la position de ses yeux), nous vient-elle des États-Unis. Où votre homologue n’est peut être finalement pas pire que vous.
Je me demande parfois où chercher un asile (loi de votre) politique.
(Et je ne parle pas de ma recherche infructueuse d’un nouveau boulot, moi qui suis pourtant prêt à traverser la France.)
(Photo : Robin Loznak)
J’ai trouvé l’image du jour il y a déjà deux mois de cela, un jour où j’étais passé à la caisse du supermarché près de chez moi, derrière une femme presque aveugle qui s’adressait à une caissière sourde. Un scène surréaliste.
Le même jour, j’ai déniché cette vidéo de Paul Barton, jouant du piano pour Rom Sai, le seul éléphant mâle du parc ElephantsWorld de Thaïlande , qui est un peu vieux (comme moi) et presque aveugle
D’où le titre de ce billet. Qui va bien aussi avec son contenu, finalement…
Et si vous demandez où vous pouvez bien déjà avoir entendu cette mélodie signée Beethoven, j’ai aussi retrouvé deux autres vidéos.
Louise Tucker et Charlie Skarbek interprétant Midnight blue :
Et … Michèle Torr chantant la même chanson :
Ce qui compensera un peu l’absence de mosaïque musicale d’hier.
Oui, une honte……