“Peu avant sa mort, on lui dit : Mon cher Maître, vous êtes solide comme un chêne. Il répondit : Pour le tronc, ça va ; c’est le gland qui m’inquiète !”
Théophile Gautier
“Les mots sont comme les glands… Chacun d’eux ne donne pas un chêne, mais si vous en plantez un nombre suffisant, vous obtiendrez sûrement un chêne tôt ou tard.”
William Faulkner
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Ce n’est pas à cause de ma situation personnelle que m’est venu le titre du jour, mais bien du chêne. Du chêne au gland, à la glandouille. Permettez-moi au passage de m’interroger sur l’absence recensée de paradoxe du chêne et du gland comme il en existe un au sujet de l’œuf et de la poule.
En me réveillant ce matin, au premier jour de ma nouvelle vie (comme me l’a écrit l’une des lectrices de ce blog dans les 5 premières minutes de ce premier jour), j’ai gardé quelques habitudes de l’ancienne vie (et de l’ancien monde auquel je suis plus attaché que notre président) en buvant un café accompagné d’un croissant, d’une cigarette et de quelques nouvelles du monde glanées (non, pas glandées) ici ou là, à la radio ou dans les lettres d’informations auxquelles je suis abonné.
Informations parmi lesquelles j’ai retenu l’annonce de l’abattage d’un chêne tricentenaire dans la forêt de Bercé, dans la Sarthe.
Peu familier d’André Malraux ni de De Gaulle (que je mentionne quand même au passage pour montrer que je ne suis pas qu’inculte), j’ai recherché des citations plus en rapport avec je ne sais quoi, que je vous ai donc délivrées plus haut.
Entretemps, j’ai eu une petite pensée fugitive pour quelques ascendances sarthoises et une pensée plus affectueuse pour mon ex beau-père, scieur de son état professionnel et amoureux des arbres, au point de s’être passionné pour les bonzaïs qui leur donnaient une seconde chance. Car j’ai eu un petit pincement au cœur et quelques interrogations dans les neurones, à l’annonce de la mort d’un tricentenaire (et demi !) peut-être encore en excellente santé. Comme d’autres de ses congénères et conscrits qui ont subi le même sort. L’ONF étant de plus en plus soumis à une logique financière et de rentabilité (??) qui n’a pas fini de polluer les services publics (cf le film Le Temps des forêts) et s’abstenant de parler de sous comme de santé de l’arbre en question dans son communiqué à la presse, je me suis donné le droit de m’interroger. Sans avoir de réponses, comme à tellement de plus en plus de mes questions.
En espérant que les chênes Paillé, Béchetoille ou Guillaume résistent encore un peu à la tronçonneuse, le temps que j’aille encore les enlacer pour capter de leur énergie, j’ai donc cheminé jusqu’à la recherche de citations à propos de chênes qui m’ont conduit jusqu’au gland. Et ramené à ma première journée de longue pause.
Et à l’histoire du gland qui rêvait de devenir un bel arbre, que je racontai jadis à mes jeunes enfants, devenus depuis de belles pousses autonomes. Avec de belles racines, j’espère et pense. Et, par association d’idées à Sylvie Caster (déjà évoquée ici naguère) mais on ne va pas y passer la journée…
D’autant plus que je ne vous ai encore pas parlé des photographies qui illustrent cette longue digression sylvestre, que j’ai trouvées sur le site du concours de l’arbre européen de l’année. Pour lequel vous pouvez voter vous aussi, si le cœur vous en dit.
Sans vouloir vous influencer, j’ai retenu pour ma part, très subjectivement et vous les présentant du plus âgé au plus jeune :
- L’orme de Navajas, qui pousse depuis 382 ans (quelle précision !) en Espagne
- Le gardien des grands secrets moraves, un tilleul de 235 ans en Slovaquie
- Le chêne bien aimé des Pays-Bas, menacé de mort à 180 ans, pour élargir l’autoroute (alors qu’il était là avant l’invention de l’automobile)
- L’amandier des monts enneigés de Pécs (135 ans) en Hongrie, que rien ne semble menacer
- L’arbre à terre. Un érable polonais de 65 ans (un petit jeunot !) destiné à l’abattage, car “déformé et disgracieux”, mais qui a survécu grâce à la mobilisation de ses admirateurs, qui voit dans son redressement vers la lumière un symbole de “la détermination et l’espoir qu’il ne faut pas abandonner pour arriver à son but”
Hmmmm… Encore de quoi réfléchir.
Bref.
Bon weekend.
(Photos : DR)
À cause de la mort de Bruno Ganz, que m’a appris la radio au moment où je finalisais la mosaïque du jour, je vous glisse le lien vers le magnifique poème qui ouvre Les Ailes du désir, et ces vers qui me restent : Als das Kind Kind war… et ceux que j’ai trouvés ce midi :
Quand l’enfant était enfant,
il a lancé un bâton contre un arbre comme une lance,
et elle tremble là aujourd’hui encore.
Avant de me réjouir de la survie de tout ceux qui sont encore là parmi nous. Dont moi.
C’est une mosaïque qui est déjà passée sur abcdetc jadis. Mais plutôt que de la mettre à jour dans les billets d’autrefois, je l’ai reconstruite ici.
I will survive, un hymne disco, gay et footballistique (comme c’est mignon…) interprété par :
- Gloria Gaynor
- Diana Ross
- The Puppini Sisters
- Cake
- Celia Cruz en version espagnole (olé!), avec plein de copains copines
- Susan Wong
- Petra Magoni et Ferruccio Spinetti
- Régine, en version française
- Miguel Mas, en version christique
Après buller (coincer sa bulle, langage d’artilleur parait-il !…) vous voilà dans le projet bien avancé de glander (être « improductif » parait-il aussi…ce qui est faux quand on regarde l’origine du mot…), musarder, lézarder peut être… auquel on pourrait plus justement ajouter rêver, imaginer, et éventuellement s’ennuyer, dont on sait, ou plutôt dont on a oublié que c’est bon pour l’esprit et la créativité, en particulier chez les enfants (cf aussi la référence à ce poème et ce film tous deux magnifiques). Alors belle errance (enfance) créative à vous ! 😉
Quel bel article…
🙂
Pour ma part, je m’en vais transmettre celle belle mosaïque à ma collègue (enseignante) qui envisage de se reconvertir dans la sylvothérapie, au cas où ce concours ingénieux lui aurait échappé, occupée qu’elle est, à faire grandir (c’est-à-dire « dresser », comme un arbre) ses petits élèves.
Merci pour ces photos délicieuses et ces moments brillants que vous nous offrez.