« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. »
Blaise Pascal
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J’ai trouvé cette image dans la sélection des photos d’actualité d’un jour de la semaine passée chez un de mes confrères. Accompagnée de sa légende, bien sûr, en anglais comme souvent : « A girl picks catkins at a field… »
Google m’a traduit catkins par chatons. Ce qui ne m’a guère avancé dans mes interrogations botaniques. Et puis, comme j’ai croisé le même genre de chatons aujourd’hui, sur la route qui me menait à ce bout du monde où je me suis posé pour quelques jours de vacances, et que les plantes qui les portaient m’ont rappelé les roseaux que ma mère cueillait lorsque j »étais enfant, j’ai appelé roseaux ces plantes d’un bout du monde plus lointain, près de Dacca au Bangladesh. Où les champs de catkins sont une attraction touristique.
En pensant à ma mère, qu’on surnommait Roseau.
Un peu de douceur, de souvenir, de douce mélancolie.
En occultant volontairement le passage de la légende que je n’ai pas eu de mal à traduire : « …amid the COVID-19 pandemic ».
Parce que j’avais décidé et promis de laisser l’épidémie derrière moi. Et de tenter ici, de n’être qu’optimiste.
Et puis…
Quelques photos plus loin, dans la même galerie du même confrère, je n’ai pas pu esquiver cette photo :
Où, bien loin du Bangladesh, dans une forêt près de Velika Kladusa, en Bosnie tout près de la frontière croate, un migrant regarde l’écran de son téléphone. Un migrant parmi des centaines d’autres qui espèrent parvenir en Europe. Un migrant venu … du Bangladesh.
Qu’est ce que je peux dire d’autre à ce moment ? Parler de tourisme et d’exil, de bouts du monde qui semblent disjoints, d’épidémie de misère qui contamine tellement davantage que n’importe quel virus, de rêve d’une vie meilleure (comme l’écrit encore le photographe dans sa légende) dont je sais qu’il se déchirera sur la réalité de notre Europe ?
Ou simplement croire, avec détermination et un peu d’inconscience, à la noblesse de l’homme dont parlait Pascal ?
Ou revenir penser à la beauté des chatons, au souvenir des roseaux, en espérant que chacun ait sa part de la beauté du monde, à un moment. Quand même.
En me disant naïvement que, peut être, par une étrange coïncidence, l’homme de la forêt bosniaque a reçu de son pays une photo de chatons, pour accompagner sa route d’un sourire.
Je sais. Mais il n’est pas inutile de croire et d’espérer.
(Photos : Mohammad Ponir Hossain et Marko Djurica)
Il fut un temps, au siècle dernier, où le Bangladesh était le Pakistan oriental.
Par raccourci historique et géographique, je vous propose donc de découvrir le chanteur pakistanais Ustad Saami, dont le dernier disque, God is not a terrorist, « élève et illumine les tréfonds de l’âme », selon certains…
Merci pour ce billet, qui illustre si bien l’un des traits qui rendent ce blog unique : son attachement à notre humanité, tissée par ces fils fragiles qui nous relient, ici du Banglasdesh à la Bosnie. Et puis Pascal pour prendre de la hauteur, nous rappeler cette capacité de penser que nous ne devons jamais laisser de côté, comme un devoir de vigilance sur le monde qui nous entoure. Et puis, quand même, ce rappel que la beauté du monde et l’espoir sont là aussi, pour adoucir ce que la force de cette pensée peut apporter avec elle.
Une petite leçon de philo comme ça, l’air de rien… et qui donne furieusement envie de continuer à penser et à croire en la beauté du monde.
J’aime les roseaux, force et fragilité à la fois, la douceur, la beauté simple
J’aime tes jolis mots et j’aime quand tu crois et espères …
Douce journée encore
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Bonsoir,
Du Bangladesh à la Bosnie…même attente de reconnaissance, d’amour ; même peine et souffrance. Un peu partout comme dans ce monde…Magnifique article encore une fois. Et pour le coup, je ne regrette pas d’avoir regardé de nouveau le film Babel….qui me relie directement à cet article. Reconnaissantes pensées. Nathalie