Le rêve de tous ?

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“L’enfance, c’est encore le droit de rêver
Et le droit de rêver encore.
Mon père était un chercheur d’or
L’ennui, c’est qu’il en a trouvé.”
Jacques Brel, L’Enfance

*

J’ai compté. Et il y a sur abcdetc à peine une cinquantaine de billets où est cité Jacques Brel, en mots ou en chanson.

C’est peu finalement pour 3331 articles.

J’aurais pu attendre le 3333e pour le citer encore, à cause de La Valse à mille temps, encore plus difficile à danser qu’à chanter, mais qui m’apaise quand je pense que j’ai encore devant moi 333 fois le temps de bâtir un roman !

Trois mille trois cents trente et un articles donc. Et plus de 100 brouillons, dont certains ont été ébauchés il ya déjà plusieurs années Le plus ancien avait pour projet de titre On a ce qu’on mérite et, d’après le texte que j’y avais collé, j’envisageais d’y parler d’un classement de milliardaires, où Bill Gates occupait encore la première place, avec 76,7 milliards de dollars de fortune personnelle.

Selon les sources du jour (Forbes par l’intermédiaire de Google), cette fortune est passé à 120,2 milliards. Et il n’est plus premier, ayant cédé sa place à Jeff Bezos, et ses 193,4 milliards.

En début d’année, lors du classement annuel du même Forbes, les deux champions ne possédaient respectivement que 113 et 98 milliards. Soit 71% et 22% d’augmentation en quelques mois. La crise sanitaire n’a pas été une catastrophe financière pour tout le monde. Mais je ne vous apprends rien, je m’égare et m’éloigne du rêve d’enfance ou de l’amour romanesque à bâtir. Et de la photo du jour.

Bref

Je ne pensais pas évoquer tout cela en ouvrant la boîte de Pandore des archives tellement mal rangées de ce blougui. On dira que c’est la faute de Brel. Dont cette chanson d’enfance, à laquelle je tente comme je peux de rester fidèle, m’est venue tout naturellement aux lèvres puis sur le clavier quand j’ai entamé la rédaction de ce billet. Le 3331e donc.

Je venais de renoncer à parler des bourses mondiales et de leur affolement à l’annonce de la (presque) mise au point d’un vaccin contre la Covid. Parce que ces images de l’euphorie financière m’avaient un peu flanqué le cafard et que je n’avais pas envie d’en rajouter.

Et puis j’ai retrouvé, dans une autre partie des archives, la photo de Violet sous son lampadaire. Une image posée là depuis près d’un mois et que mon regard croisait régulièrement depuis.

Je ne sais toujours trop quoi en dire. J’ai juste retrouvé les autres photos du reportage réalisé par Ivan Alvarado en deux temps, août et octobre de cette année. Vingt-cinq images au total, prises dans un campement illégal à Puento Alto, dans la banlieue de Santiago (Chili), où plusieurs familles, après avoir perdu leur emploi et leur revenu à cause de la crise sanitaire, se sont installées, sans eau courante ni sytème d’évacuation, ni électricité. Le lampadaire fonctionne à l’énergie solaire.

Mais je n’ai pas trouvé d’article qui me raconte cette communauté de réfugiés intérieurs qui s’est baptisée “El sueno de todos” (Le Rêve de tous). Une volonté optimiste qui m’a laissé rêveur.

Je ne peux que vous laisser rêver – comme moi, avec moi – à la vie quotidienne à El sueno de todos, à l’avenir que dessine Violet sous son lampadaire, aux histoires qu’elle se raconte avec ses amis Danka, Danixa et Axel, et tous les enfants alentours. Et ailleurs.

Et à un autre monde possible.

Quand même. Même si.

Mais on a toujours le droit de rêver. Encore.

(Photos : Ivan Alvarado)

La musique qui accompagne ce billet est argentine plutôt que chilienne. Mais on ne va pas chipoter, en se souvenant d’Ernesto Che Guevara qui regardait l’Amérique latine comme un seul pays, à libérer dans son ensemble.

En attendant une libération mondiale de rêves communs (communistes?), voilà dont Los Pinguos, découverts grâce à Playing for Change.