“Quand j’en ai marre d’ces braves gens
J’fais un saut au huitième
Pour construire un moment
Avec ma copine Germaine
Un monde rempli d’enfants
Et quand l’jour se lève
On s’quitte en y croyant
C’est vous dire si on rêve…”
Renaud, Dans mon HLM (1980)
*
En vous proposant cette citation du dénommé Renaud, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans … peuvent connaître grâce à toute la mémoire enregistrée, accumulée, stockées, débordante… qui n’attend plus que quelqu’un se souvienne.
Et moi, qui me souviens parfois de ce temps d’il y a quarante ans et du Renaud d’alors, je me dis qu’il ne fait pas toujours bon de vieillir.
Mais qu’il serait bien que certains le puissent.
Comme la petite Esra Salih, qui a dû fuir son village natal de Harbil dans le nord de la province d’Alep en 2015, pour se réfugier à Idlib, où les bombardements de l’armée “régulière” ont tué sa tante et deux des ses cousins. Et ont emporté sa jambe gauche. Sa famille a dû alors fuir à nouveau, vers le camp d’Azaz.
Elle avait alors trois ans. Et aujourd’hui qu’elle en a 6, elle espère toujours une prothèse, pour pouvoir jouer avec les autres enfants, normalement, ou aller à l’école sans souffrir sur ses béquilles ou sans l’aide de son père Habib.
Comme souvent, j’ai d’abord trouvé la photo d’Esra qui figure en tête de cet article dans les images d’actualité ici ou là. Puis j’ai trouvé le récit de son histoire sur le site de l’agence Anadolu, illustré par la seconde photo (ci-dessus). Et c’est à la fin de cet article que j’ai trouvé la vidéo que je partage avec vous (ci-dessous).
En l’écoutant parler, j’ai été impressionné par la maturité, la réflexion, le sérieux d’Esra. Comme j’avais été frappé par son regard en la choisissant comme image du jour.
Et, en regardant ces images, en repensant à cette enfant, une victime parmi les milliers qu’aura fait cette guerre qui dure depuis bientôt 10 ans et dont on se demande parfois si elle finira un jour, en pensant aussi à tous ces enfants qui n’ont connu que la guerre et sa violence, en imaginant tout ce que les corps, les coeurs et les âmes peuvent garder de blessures… j’ai senti que mon émotion n’avait pas forcément sa place face à cette détermination, cette volonté farouche, cette résistance vivante.
Alors, juste discrètement, sans trop y croire mais pourtant, j’ai formulé le vœu silencieux, glissé à je ne sais trop qui la fragile prière, qu’Esra et tant d’autres, retrouvent la paix, l’usage de la marche. Et surtout leur enfance confisquée. Dont notre monde a tellement besoin.
(Photos : Bekir Kasım)
À quelques jours de l’anniversaire de la naissance d’un messie, prophète, dieu incarné ou conteur magique, selon la croyance de chacun, il est bon de se souvenir – quand même – de cet enfant fragile, né dans le dénuement et l’anonymat, avant de voir les années comptées à partir de lui. Et, croyant ou pas, de se rappeler que chaque enfant est un prophète.
Every Child is a Prophet est un projet initié par la musicienne norvégienne Marthe Valle, qui a mis en musique, en collaboration avec les compositeurs syriens Manar Alhashemi et Hussain Hajj, des textes du poète Adnan Alaoda.
abcdetc vous propose d’écouter ces musiques nourries d’espoir.
Quelle leçon de courage… Ils nous serrent le coeur, ces enfants à qui la cruauté du monde vole ce temps si précieux de la vie, le seul où peut se revendiquer le droit à l’insouciance, à la paix, à la vie. Je pense à ces mots magnifiques de Brel « C’est encore le droit de rêver/Et le droit de rêver encore », on voudrait tellement que ces rêves soient la réalité de tous les enfants du monde.