Quel mot pour le dire ?

Slide 1
Slide 2
Slide 3
Slide 4
Slide 5

“Le plus bel hommage qu’on puisse rendre à un défunt a été imaginé à mon avis par certains aborigènes d’Australie. Lorsque leur chef meurt, ils suppriment un mot, ils l’effacent définitivement de leur langue.”
Vassilis Alexakis, Le Premier mot (2010)

*

J’ignore si c’est lié au décès de personnes importantes (mais sûrement pas à celle de mon chef, toujours de ce monde…), mais je perds tant de mots, parfois, souvent, de plus en plus, cherchant dans quel tiroir mnémotechnique j’aurais bien pu les ranger, inventant des astuces pour les traquer par analogie, passant du fil de l’âne à l’aiguille du coq, demandant en désespoir de cause à un dictionnaire des synonymes, à un moteur de recherche ou à une personne proche et chère.

En découvrant la première photo du jour, j’ai retrouvé instantanément le mot “beau” et je vous aurais proposé une citation autour de la beauté, sans l’annonce ce matin de la mort de Vassilis Alexakis, cet amoureux de la belle langue.

J’aurais aussi adressé une pensée sourire à mes enfants, pour lesquels j’ai jadis inventé une histoire à propos du “premier mot” (oui, comme Alexakis, mais avant lui) qui était … bô (l’orthographe a évolué depuis).

Quoi qu’il en soit, mort ou souvenir ou pas, ces photographies du lac Dal sont bien belles. Je trouve et j’espère que vous le trouverez aussi. Tellement épurées par la neige et la lumière d’hiver, qu’on a presque l’impression de regarder des tableaux.

Avant de se souvenir que le Cachemire, où se situe ce lac Dal, est une région toujours en guerre, déchirée dans un conflit entre l’Inde et le Pakistan (et la Chine), sous occupation miliaire et soumise à un couvre feu bien plus contraignant et meurtrier que par chez nous.

Puis de replonger dans la beauté, qui nous permet d’oublier un moment le monde et sa violence. Et de vivre, au mieux. En guettant encore la beauté, comme celle du soleil couchant sur ce même lac, lointain, inaccessible, paisible. Apparemment…

(Photos : Tauseef Mustafa, Waseem Andrabi)

Le chanteur cachemiri Rahi Sayed tente de donner une autre image de son “pays” et de ses habitants que celle de terroristes que veulent lui coller les “autorités”. J’aurais aimé vous faire entendre sa dernière chanson, Sarmast, où il parle d’une jeunesse qui désire autre chose que la guerre et l’occupation, mais je n’en ai pas trouvée de version vidéo. Mais cette balade (sous-titrée) est bien belle aussi…

Même si je ne suis guère touriste, je dois dire que j’irais volontiers visiter le Cachemire, en souvenir aussi de l’évocation magnifique qu’en fait Salman Rushdie dont j’ai oublié de parler hier à propos de Quichotte, mais mon gouvernement me le déconseille formellement.