à ma princesse de toujours
et à son noble frère
Au royaume de Lahba, les rois s’appellent Jules de père en fils depuis des générations. Pour les distinguer les uns des autres et s’y retrouver dans le temps on les numérote. Ainsi, au moment où cette histoire commence, à l’instant même, Jules 73 règne depuis 37 ans. Son épouse, la reine Juliette, lui a donné un fils : Jules, et une fille : Julie. Julie a épousé le prince Julot et règne avec lui désormais sur le royaume d’Issy. Quant à Jules, il est resté célibataire et passe ses journées à rêver, à imaginer en songe sa princesse idéale qu’il rencontrera un jour.
Mais le temps passe et rien ne se passe. Aussi, le roi Jules, qui se sent vieux et aimerait bien profiter des plaisirs de la retraite, du soleil et de la vue sur la terrasse du château, fait appeler son fils. Jules accourt.
– Mon fils ! Tu seras bientôt roi à ma place et tu régneras sur Lahba. Mais aucun des rois de Lahba n’a jamais régné sans reine.
– Oui papa. J’y songe…
Et Jules ferme les yeux.
– Je la vois, je l’imagine, je parviens presque à la sentir à force de la penser. Ma Juliette aura les cheveux rayonnants comme le soleil, les yeux limpides comme l’azur, le sourire scintillant d’une étoile, la voix claire comme un chant d’oiseau, le pas léger comme le vent, la peau fine et parfumée d’un pétale de fleur et son rire sera frais comme une source d’eau vive.
– C’est bien beau, lui dit le roi.
Jules ouvre les yeux.
– Mais ce n’est pas dans tes rêveries que tu la trouveras, reprend son père. Va, pars, cherche la et ramène avec toi ta princesse. Et fais vite…
Le prince sans plus attendre descend aux écuries, selle son fidèle cheval et part vers son rêve. Au sommet des tours du château, le roi et la reine agitent leurs mouchoirs.
Le prince Jules remonte la rivière qui enserre le château, longe la rive du lac, traverse la forêt et galope une journée entière.
Il arrive au château du royaume d’Acoté. Une jeune fille l’accueille. Elle a des cheveux d’or, rayonnants comme le soleil. Le prince est ébloui : c’est elle ! Il descend de cheval, se jette aux genoux de la princesse, le cœur vibrant de tendresse, la bouche pleine de mots d’amour en cascade, les yeux écarquillés, le corps tremblant d’émotion. Il lui demande sa main. La princesse accepte. Elle fait part de l’heureuse nouvelle au roi et à la reine d’Acoté, ses parents. Et voilà. Jules retourne vers le royaume de Lahba avec la princesse d’Acoté, prêt à se marier, à avoir beaucoup d’enfants, etc.
Un mois passe. Les préparatifs de la noce animent le château de Lahba. Jules est radieux, puis un peu moins, puis plus du tout. Au matin de la veille du mariage, Jules dit à la princesse d’Acoté :
– Je suis désolé, princesse. Tes cheveux sont rayonnants comme le soleil, mais tu n’es pas la princesse de mes rêves.
La princesse repart en pleurant vers le royaume d’Acoté. Le prince Jules reste silencieux, chagrin, déçu pendant un mois entier. Puis il se ressaisit, descend aux écuries, selle son fidèle cheval et repart. Au sommet des tours du château, le roi et la reine agitent leurs mouchoirs.
Le prince Jules remonte la rivière qui enserre le château, longe la rive du lac, traverse la forêt et galope deux jours entiers.
…et ainsi se répète l’histoire, 7 fois, pendant plus d’une année. Le prince part, les parents agitent les mouchoirs, le prince rencontre la princesse de Paloin aux yeux limpides comme l’azur, la princesse de Touproche au sourire scintillant comme une étoile, la princesse de Voisinage à la voix claire comme un chant d’oiseau, la princesse d’Adeuxpas au pas léger comme le vent, la princesse de Deci à la peau fine et parfumée comme un pétale de fleur et la princesse de Delà au rire frais comme une source d’eau vive. Il est chaque fois ébloui : c’est elle !, présente ses demandes aux princesses qui font part de l’heureuse nouvelle aux rois et reines leurs parents. S’ensuivent les préparatifs de la noce, de vivre heureux et d’avoir beaucoup d’enfants, patati, patata… Puis, patatras ! A la veille des noces, c’est chaque fois la même chose et les princesses repartent en pleurant.
Après le départ de la septième princesse, le prince Jules reste silencieux, chagrin, déçu pendant… longtemps. Puis il se ressaisit, descend aux écuries, selle son fidèle cheval et part. Au sommet des tours du château, le roi et la reine n’agitent pas de mouchoir. Ils n’espèrent plus de noce. Il n’y a plus de royaumes alentour où chercher une princesse. Et le rêve de leur fils semble ne devoir jamais se réaliser.
Le prince Jules remonte la rivière qui enserre le château, longe la rive du lac, et s’arrête.
Il descend de cheval et contemple la surface de l’eau troublée d’une légère brise. Il distingue son visage, se découvre, s’observe : il voit un prince triste, noyé dans ses chimères, perdu dans son rêve, malheureux pour toujours. Il détourne les yeux puis regarde à nouveau, esquisse un sourire et, derrière son reflet, il aperçoit un autre visage, un autre regard qui rencontre le sien, un autre sourire. Et il entend une voix :
– Bonjour Prince !
Jules se retourne, se redresse et se trouve face au sourire d’une bergère.
– Alors Prince, on ne galope pas aujourd’hui ?
Le prince reste avec son sourire au lèvres, un peu bouche bée, ne sachant quoi répondre. La bergère reprend :
– 7 fois je t’ai vu passer au galop, puis 7 fois revenir accompagné d’une princesse, chaque fois différente. Et 7 fois j’ai vu repartir une princesse en pleurs. 7 fois j’ai pensé te revoir passer. Et te revoilà, une fois encore. On dirait que tu n’as pas trouvé ce que tu cherchais…
– La princesse de mes rêves…, commence le prince.
– Ah oui, les rêves…
Le vent souffle un instant de silence.
– J’ai trouvé tout ce que je désirais rencontrer, reprend le prince : des cheveux rayonnants comme le soleil, des yeux limpides comme l’azur, un sourire scintillant comme une étoile, une voix claire comme un chant d’oiseau, un pas léger comme le vent, une peau fine et parfumée comme un pétale de fleur et un rire frais comme une source d’eau vive.
– Et pourtant…
– Mais je n’ai pas eu de chance : tout cela était éparpillé chez 7 princesses différentes. Je ne peux pas épouser 7 princesses.
– Alors cesse de t’éparpiller, de pourchasser la chance et ton rêve. Laisse un peu faire la vie.
– La vie…, répète le prince sans comprendre. Si je ne cherche pas que puis-je espérer trouver ?
– Laisse toi le temps de le voir. Tu désirais pour ta princesse des cheveux rayonnants comme le soleil. Tu connais donc le goût du soleil ?
Le prince regarde la bergère, désemparé, n’osant pas avouer son ignorance…
– Alors goûte, lui dit la bergère.
Jules se fait attentif. Il sent le soleil de midi qui l’éclabousse et la lente déclinaison de la chaleur jusqu’au soir, tout en observant, ébloui, l’imperceptible variation de la lumière sur le visage de la bergère.
Le soir arrive. Un instant de silence. Un sourire échangé.
Le lendemain, la bergère dévoile au prince la limpidité de l’azur. Il découvre avec elle comment le ciel et la terre se rencontrent à l’horizon et s’émerveille des paysages qu’ils dessinent ensemble… Le troisième jour ils partagent le silence de la nuit en souriant à la danse des étoiles. Le quatrième jour ils s’amusent du chant des oiseaux et prêtent l’oreille au bruissement de chaque chose. Le cinquième jour ils se laissent emporter par la caresse du vent et inonder de la saveur de la pluie. Le sixième jour ils s’enivrent du parfum des fleurs, des arbres, de la terre…
Au matin du septième jour, la bergère conduit le prince jusqu’à la source de la rivière, plonge sa main dans l’eau vive et lui offre à boire.
– Maintenant que tu as pris goût à la vie, tu peux aller à sa rencontre et trouver ce que tu cherchais…
Le prince s’éloigne de quelques pas, s’arrête, revient vers la source près de laquelle la bergère est restée immobile. Il la regarde, hésite, respire profondément :
– J’ai pris goût… avec toi. C’est toi que je cherchais.
– Mais je ne suis pas princesse. Et je n’ai pas les cheveux rayonnants comme…
– Je sais, l’interrompt doucement le prince. Mais c’est toi que j’aime. Dis moi bergère…
– Appelle moi Juliette, dit la bergère en riant.
Lecture pas très synchrone, moi aussi je reviens … d’ailleurs …
Elle est bien jolie cette histoire 😉
Bon retour dans la maison du coeur !